Roustam Raza, le mamelouk de Napoléon

Historique

Roustam Raza est né vers 1782 à Tiflis, en Géorgie. Il est le sixième enfant d’un négociant arménien, Roustam Honan, et d’une Géorgienne, Bouchid-Vari. Il est âgé de 2 ans lorsque sa famille regagne Aperkan en Arménie, terre natale de son père. Roustam y grandit jusqu’à l’âge de 13 ans. Sa famille est ensuite dispersée lors de la guerre entre Perses et Arméniens. Il est alors enlevé et vendu comme esclave à 7 reprises. En 1797, il est acheté à Constantinople par Sala-Bey, l’un des 24 gouverneurs de l’Égypte. Celui-ci l’affranchit et l’intègre dans son corps de cavalerie de mamelouks. A sa mort, il passe au service du sheik El Bekri au Caire, ami du général Napoléon Bonaparte. Peu avant le retour en France de ce dernier, en août 1799, il postule pour passer à son service et est accepté. Dès lors, sa vie bascule : il va suivre comme son ombre le 1er Consul, puis l’Empereur, à travers toute l’Europe, pendant 15 ans. Il fait fonction de garde du corps et caracole en tête des cortèges de parade en superbe costume oriental (notamment lors du Sacre en 1804). Le 1er février 1806, au retour de la campagne d’Austerlitz, Roustam épouse à Paris Alexandrine Douville, fille du 1er valet de chambre de l’impératrice Joséphine.

Roustam est l’un des rares personnages du Premier Empire à avoir participé à toutes les campagnes, d’Espagne en Russie. Il est présent sur d’innombrables peintures du XIXe siècle, le plus souvent aux côtés de son illustre maître.

Il quitte Napoléon 1er au lendemain de sa tentative de suicide au poison, après son abdication de 1814, effrayé à l’idée de pouvoir être accusé de tentative d’assassinat pour le compte de l’Angleterre. Lors des Cent-Jours, l’année suivante, il se propose de nouveau pour le service de l’Empereur, mais celui-ci, qui n’a pas compris son départ l’année précédente, le fait éconduire.

Roustam et son épouse finissent leurs jours à Dourdan (Essonne). Leur maison est devenue l’école G Leplâtre. C’est là que Roustam s’éteint le 7 décembre 1845. Roustam a laissé des Souvenirs écrits, retrouvés et publiés un demi-siècle plus tard par René Cottin.

Cérémonie du 5.XII.2009

En présence des autorités locales : maire, gendarmerie, associations locales, notre Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants Arméniens a rendu hommage à Roustam Raza et a déposé une gerbe de fleurs sur sa tombe au cimetière de Dourdan où il repose avec son épouse originaire de cette ville.

Roustam Raza est honoré au titre de deux symboles majeurs :

Le premier de ces symboles est la condition précaire, humiliante et loin des droits normaux des citoyens musulmans de l’Empire Ottoman de tous les chrétiens : Arméniens, Grecs, et Assyro-Chaldéens. Ils étaient surtaxés et ne pouvaient pas entrer dans les administrations civiles ou militaires. Arrachés de leur famille, les hommes devenaient des Janissaires, redoutables tueurs tandis que les femmes étaient parquées dans les harems. Voilà le sort des chrétiens pendant les siècles de domination et la vie incroyable de l’esclave Roustam Raza nous en rappelera à jamais le triste souvenir. Et comme si cette lamentable situation ne suffisait pas, l’ultra nationalisme et la furie identitaire s’est emparé du conquérant ottoman qui a déclenché les massacres hamidiens de 1894 à 1896 avec 100 000 victimes arméniennes, puis les massacres d’Adana en 1909 avec 30 000 victimes avant de déclencher le premier génocide du siècle avec la mort de 1 500 000 Arméniens, 400 000 Assyro-Chaldéens et plus de 300 000 grecs avant que les 900 000 autres soient expulsés et échangés avec les Turcs de Grèce. Les exactions se sont poursuivies même après la création de la Turquie de Kémal Ataturk et les survivants chrétiens, écrasés par des impôts ont fuit ce pays. Nous sommes ici, les enfants de cette vague d’immigration et toujours victimes d’un négationnisme d’Etat.
La population chrétienne est ainsi passé de 30% au début du siècle à 0,5% dans la Turquie actuelle !!! Voilà le pays que nous apprêtons à faire entrer dans l’Europe.

Le deuxième symbole que nous attachons à Roustam Raza est son engagement total pour l’Empereur et en cela, son engagement pour la France où il repose maintenant. Il est donc le premier de nos combattants reconnus. Il illustre cette tradition de loyauté envers la France et il rejoint en cela tous les Volontaires arméniens, debout dès le début du premier conflit mondial, en Août 1914, tous les engagés de la Légion d’Orient qui combattirent pour la France jusqu’en 1920 avant d’être abandonnés en Cilicie, tous les soldats réguliers et les résistants arméniens du Groupe Manouchian à Paris et ceux des poches de résistance de Lyon, Marseille, Mende etc..

Roustam Raza et tous nos combattants et résistants personnalisent à jamais l’acte d’amour des Arméniens pour la France. Nous sommes fiers de perpétuer leur souvenir.

Antoine Bagdikian
Dourdan le 5 Décembre 2009