1939 – 1945

INTRODUCTION

Cette présentation est essentiellement constituée de documents émanant de personnalités politiques ou d’officiers français.
Ainsi, par ce survol de l’Histoire récente, l’Institut Arménien de France et les Anciens Combattants arméniens se sont appliqués à mieux faire connaître ces événements.
Nous saluons le travail de M. Gaston Laroche, Colonel F.T.P.F. et du Lieutenant-colonel L’Hopitalier dont les livres « On les nommait des Étrangers » et « Historique des Anciens Combattants Volontaires Arméniens » nous ont inspirés. Nous laissons bien volontiers à ce dernier la présentation.

Une ancienne parenté attache l’Arménie à la France ; leur dernier roi, Léon V de Lusignan, d’origine française, mort à Paris en 1393 ne repose-t-il pas dans la célèbre Basilique de Saint-Denis ? C’est pour cette raison que Paris, cœur de la France et du monde, est resté le lieu de pèlerinage et le foyer d’espérance de tous les Arméniens. –
En échange de l’hospitalité, les Arméniens ont versé pour la France le meilleur de leur sang, après lui avoir fait abandon de leur cœur.
C’est pour exalter cette ferveur dans la reconnaissance qui, hélas, tend à disparaître que, malgré les difficultés, il était du devoir d’un Français de rendre hommage aux Morts, de mettre en valeur les Pages de Gloire des soldats arméniens, afin que mieux connues, elles soient transmises à la postérité comme le flambeau impérissable de la valeur des Combattants Arméniens, qui est venu ajouter sa glorieuse lumière au phare éblouissant de la civilisation et de la Liberté.
Lieutenant-colonel L’HOPITALIER

La Société des Nations ayant admis que les apatrides pouvaient être mobilisés au profit du pays dans lequel ils résidaient le jour de la Déclaration de la guerre, la loi française du 31 mars 1928 a inclus cette clause dans ses articles.
Les Arméniens qui vivaient en France furent donc appelés et incorporés dans les régiments français où ils combattirent vaillamment, anonymement pour la cause des Alliés.
La plupart n’étaient pas citoyens français.
A cette Victoire commune des Alliés, les Soldats Arméniens sont associés, certains d’entre eux, engagés volontaires, ont versé leur sang et sont tombés au Champ d’Honneur dans les combats livrés par les grandes Unités Françaises désormais légendaires ;

1re ARMÉE FRANÇAISE – 1re DIVISION F.F.L.
2e DIVISION BLINDÉE – L’ARMÉE DES ETATS-UNIS

CAMPAGNE DE FRANCE 1940

FRONT FRANÇAIS
Le 22ème Régiment de Marche Volontaires Étrangers
SES COMBATS AVEC LA 7e ARMÉE – 1er C.A. – 19e D.I.

22 Mai : Occupation de Conchy-les-Pots (Région Sud de la R.N. 337) Amiens-St-Quentin. 23Mai : Occupation de Tilloloy. 24-25 Mai : Attaque de Berny par le 1/22. – Attaque de Villers-Carbonel par le 111/22, contre-attaque victorieuse allemande et reprise du village, nouvelle attaque par le 11/22 et reprise de Villers-Carbonel qui fut à nouveau abandonné le 26 sous une forte pression ennemie appuyée par des chars. 26 Mai : Organisation sur la ligne générale Fresnes-Mazancourt-Miser. P.C. du Rgt à Fresnes, puis à Marchelepot à partir du 31 Mai. 4 Juin : Le Chef de Bataillon Hermann du 47e R.I. prend le commandement du régiment. Les Volontaires Étrangers appartenaient à 47 nationalités dont environ 15 % d’Arméniens.

ORDRE N° 651-C
Le Général d’Armée, Commandant en Chef les Forces Terrestres, Ministre Secrétaire d’État à la Guerre, cite :
A L’ORDRE DE L’ARMÉE
22e RÉGIMENT DE MARCHE DE VOLONTAIRES ÉTRANGERS

« Jeté dans la bataille bien qu’incomplètement équipé et à. peine amalgamé, s’est particulièrement distingué sous les ordres du Chef de Bataillon HERMANN au cours des journées des 5, 6 et 7 Juin 1940.
« Complètement entouré par les Unités blindées ennemies, violemment bombardé tant par avions que par l’artillerie, a résisté héroïquement pendant quarante-huit heures à toutes les attaques, réussissant pendant ce temps à conserver l’intégrité des localités qui constituaient l’ossature de la position confiée à sa garde. N »a cédé que faute de munitions et écrasé par une supériorité matérielle considérable. A, par sa résistance, fait l’admiration de l’ennemi »
Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec Palme.

Le 2 Juillet 1941
LtCI L’H

LES PRISONNIERS ARMÉNIENS (1939 – 1945)

 » Au début de l’année 1941 les Allemands entreprirent de réunir au Stalag XI-A (Altengrabov prés Magdeburg) les Arméniens faits prisonniers dans les rangs de l’Armée française. Entre 1.200 et 1.500 prisonniers furent rassemblés. Une bonne partie demeura au camp central, groupée en détachement particulier, mais non isolée du reste des prisonniers.

A plusieurs reprises les Allemands essayèrent de faire pression sur ces soldais d’origine arménienne pour les gagner â leur cause. Ils leur firent adresser la parole par des Arméniens fixés en Allemagne et ralliés au 111′ Reich. Ils ‘agissait soit de rejoindre les rangs de la Werhmacht, soit à tout le moins d’accepter un état de travailleurs civils qui les désolidariserait de la masse des prisonniers et pour finir de la France. Des menaces, des vexations, quelques brutalités même vinrent fréquemment appuyer ces propositions.
En de telles circonstances l’attitude des prisonniers fut digne de tous éloges. La fidélité à la France qui les avait accueillis en 1920 et 1921, où ils avaient leurs affaires, leur famille, fui leur unique principe, il leur dicta à l’unanimité une réponse négative aux propositions allemandes qui leur furent faites jusqu’en 1942 Une résistance active s’elabora dans leurs rangs. Un des principaux animateurs enfui un sous-officier de carrière, l’adjudant Kilidjian Baruir, qui eut de ce fait bien des fois maille à partir avec les services allemands.

Finalement, lassés de ces perpétuels échecs dans leurs tentatives d’ébranler la fidélité des Arméniens captifs à la France, les Allemands décidèrent en 1943 le transfert d’un bon nombre d’entre eux dans la région berlinoise ou ils furent transformés de force en travailleurs civils. L’adjudant Kilidjian fui emprisonné un certain temps et ne dut qu ‘à un heureux concours de circonstances de pouvoir rentrer sain et sauf en France. C’est dans ces conditions que la captivité s’acheva, sans avoir entamé l’attachement des soldats français d’origine arménienne à la cause de leur pays d’adoption. »
Lettre du R.P.D. Dubarle,
l’homme de confiance du Stalag XI-A

LA RÉSISTANCE ARMÉNIENNE EN FRANCE (1943 – 1945)

“ LA CAUSE DE LA FRANCE EST LA NÔTRE ”

Les Arméniens font leur devoir pour leur patrie adoptive comme ils l’auraient fait pour leur pays d’origine. Une amitié plusieurs fois séculaire unit les deux peuples et c’est dans la douleur que la véritable amitié donne toute sa mesure. Les Arméniens se trouvent dans la résistance aux côtés de leurs frères français, armés de courage et de dévouement. A Paris, Lyon, à Grenoble, à Nice et à Marseille, ils forment des groupes de Francs-tireurs et Partisans. Le Front National Arménien est né. Il coordonne son activité avec celle des Résistants français. Gaston Laroche, Colonel F.T.P.F.

Les F.T.P. arméniens rivalisaient d’audace et d’héroïsme. Partout, les Francs-tireurs et Partisans Arméniens, les organisés du F.N. Arménien secondent l’action des F.F.I. à Marseille, à Saint-Antoine, à Sainte-Marguerite et à Saint-Loup.A Marseille, ils apportent un appui des plus efficaces dans les combats du boulevard Baille-Castellane et de la Préfecture, et pénètrent dans la ville les armes à la main.Les Arméniens qui participèrent à la libération de Marseille étaient groupés dans un détachement nommé DÉTACHEMENT SARKIS (Sarkis BEDOUKIAN, Mort pour la France).A Saint-Tropez et à Toulon, les bataillons arméniens favorisèrent le débarquement des troupes alliées. Pendant le mouvement d’insurrection pour la libération de la ville de Lyon (du 24 Août au 26 Août et du 2 et 3 Septembre 1944), les Arméniens magnifiques de courage et de dévouement, apportent leur aide aux patriotes, puis le détachement « Manouchian » s’est incorporé dans le groupement « Carmagnole ». » G.L.
LE MAQUIS DE LORRIS (Loiret) – « Après l’arrestation de Missak MANOUCHIAN, quelques-uns des survivants de ce groupe furent envoyés en province pour des missions spéciale s Arsène TCHAKARIAN à Bordeaux, Dihran VOSKERITCHIAN à Lyon, Haïk-der-TBIRIAN, dit “ Hardy ”, à Trondes (Meurthe-et-Moselle). Au cours des luttes serrées, dix-huit de ces patriotes F.T.P.F. tombèrent héroïquement. Louis KARAYAN et les autres restèrent dans la région parisienne. Le lieutenant Alexandre (Robert) KONSTANTINIAN, ancien responsable du détachement “ Stalingrad p du groupe Manouchian, partit à Montargis (Loiret), pour la formation d’une nouvelle organisation armée ».
MENDE – La partie de l’Arménie intégrée à la Russie a fourni près de 250.000 soldats dès les premiers jours de la guerre contre l’Allemagne, comme toutes les républiques fédérales de l’U.R.S.S. Après les combats livrés entre ces deux grandes puissances, particulièrement en 1942, les nombreux prisonniers faits par la Wehrmacht furent l’objet, quant à leur origine, d’une sélection minutieuse.
“ Les Allemands s’imaginèrent qu’en tirant les Arméniens des camps où ils périssaient de misère, en les revêtant d uniformes allemands et en les encadrant solidement, ils feraient d’eux des auxiliaires dévoués. C’était mal connaître leur patriotisme, car dés qu’ils furent établis en France, ces soldats cherchèrent les moyens de se libérer et reprendre la lutte contre les hitlériens. Leurs actions ont été d’un très grand appoint pour la résistance française.
Tous ces soldats arméniens soviétiques, bien entraînés et bien encadrés par leurs officiers, prendront une part importante dans la libération et la défense de Port-de-Montvert, de Collet-de-Dèze, de Florac, de Villefort, de Génèlhec, d’Alès, de Nîmes, etc. en infligeant à l’ennemi de lourdes pertes en hommes et en matériel.
“ On peut dire sans exagération que la démoralisation ainsi créée d’une part, et le développement incessant des F.F.I. dans le Massif Central d’autre part, sont les deux faits qui, à l’époque, ont fait avorter les projets de fortifications du Massif Centrai, établi par l’Etat-Major allemand.
L’action de la Légion Arménienne de Mende, conjointement avec celle du maquis, aboutissait ainsi à l’anéantissement complet des Allemands dans la Lozère et dans les garnisons de l’Aveyron, de la Haute-Loire et du Cantal. (Août 1944)
“ Les Arméniens soviétiques furent de farouches défenseurs de leur idéal de liberté.
Par leur action héroïque, ils assénèrent à l’ennemi de terribles coups vengeurs, méritant ainsi les multiples manifestations de sympathie dont ils furent l’objet de la part de la population de Mende, lors de leur entrée dans la ville après la Libération.
Preuve également, l’attestation suivante, entre bien d’autres, du Maire de La Calmette, témoignant de la reconnaissance de ses administrés au Capitaine PETROSSIAN et à ses hommes.
Gaston Laroche, Colonel F. T.P.F.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Mairie de La Calmette
ATTESTATION

Je soussigné, MARCELLAT Roger, Maire de La Calmette, certifie que la Compagnie 103 F. T. P. F. M. O. I., commandée par le Capitaine PETROSSIAN depuis le 4/8/44 jusqu’au 29/8/44 a défendu héroïquement la commune de La Calmette et empêché de passer au village la colonne allemande composée environ de quinze à vingt mille hommes.
La population du village a regardé la lutte héroïque de la Compagnie contre les ennemis qui avaient la supériorité numérique plus que cent fois. La compagnie arménienne, avec habileté et hardiesse, a combattu avec sang-froid et courage.
En conséquence de ce combat inégal, les Allemands ont perdu environ 200 soldats et officiers, 100 prisonniers et 8 blessés. La Compagnie arménienne a empêché les Allemands de passer par le village et de le piller comme ils ont fait dans les autres petits villages des environs.
En reconnaissance, la population du village posera sur la tombe de ces braves une pierre avec les inscriptions héroïques
MORTS POUR LA LIBÉRATION DE LA FRANCE

Moi-même et toute la population rendons hommage aux morts et félicitons la bravoure des vaillants défenseurs de notre Patrie.

Le Maire : Signé MARCELLAT
A La Calmette, le 4 Septembre 1944
Défilé du régiment des partisans arméniens a Nimes à la libération,
Chef d’Etat-major TITANIAN,
Commandant du régiment KAZARIAN,
Commandant de compagnie MARKARIAN.
Tous rentrés en Arménie a la fin de la guerre, ont été déportés a Magadan, Sibérie orientale. Libérés en 1955 après la mort de Staline.
Markar Markarian, FTP de la légion arménienne de Mende.

Correspondance de Monsieur Pierre HAFFNER de Moscou :
 » Je vous prie de bien vouloir trouver ci joint photo de la légion défilant a Nîmes à la Libération ainsi que celle du Commandant Markarian. De retour en Arménie après la guerre, Markar Markarian a été déporté a Magadan.
Aujourd’hui, son petit fils Akopian conserve son souvenir et l’amour de la France, pays pour lequel son grand père a combattu « 

Composition du détachement qui entra le premier dans Paris, le 24 août 1944

Composition du détachement qui entra le premier dans Paris, le 24 août 1944

En fin d’après midi, les éléments de tête de la 2ème Division blindée piétinent sur la nationale 20 à Antony au sud de Paris. Ils se sont heurtés à de solides bouchons allemands installés au carrefour de la Croix de Berny, à la Prison de Fresnes et à Bourg la Reine. Le général Leclerc interpelle le capitaine Dronne et lui donne l’ordre de foncer sur l’Hôtel de Ville en empruntant des itinéraires détournés. Dronne prend avec lui trois de ses sections, la section du lieutenant Michard de la 2ème compagnie du 501ème RCC (trois chars) et la 2ème section de la 3ème compagnie du 13ème Bataillon de Génie. Accompagnés par Georges Chevallier, habitant Antony et qui dit bien connaître la banlieue parisienne, ces 150 hommes se faufilent par l’Haÿ les Roses, Cachan, Arcueil, porte d’Italie … un Arménien de Paris, Lorenian Dikran, propose alors ses services pour les guider jusqu’à l’Hôtel de Ville en évitant les barrages allemands … Jeanne Borchert, inspectrice des PTT en costume régional alsacien, prend place sur le capot de la jeep du capitaine et ouvre la marche … impossible pour Dronne de la déloger … rue de la Vistule, rue Baudricourt, rue Nationale, place Pinel, rue Esquirol, boulevard de l’Hôpital, quai de la Rapée, quai Henri IV, quai des Célestins, quai de l’Hôtel de Ville … Il est 21h22. La chevauchée n’a pas rencontré un Allemand mais a dû se frayer péniblement un passage au milieu de la foule en délire. L’émotion est à son comble. Les cloches de toutes les églises parisiennes sonnent à la volée. Le gros bourdon de Notre Dame couvre à peine la Marseillaise entonnée sur le Parvis.

Des plaques commémoratives jalonnent aujourd’hui cet itinéraire

  • capitaine Raymond Dronne,
  • son adjoint, le lieutenant Amado Granell,
  • son chauffeur du capitaine, Krikor Pirlian, Arménien originaire de Constantinople
    matricule 6703 chez les Français Libres, chauffeur du capitaine Raymond Dronne commandant la 9ème compagnie du 3ème RMT (voir article), Krikor Pirlian reprendra sa profession de tailleur, à Nice, après la guerre.

Autre ressource sur Krikor Pirlian

Qui était Dikran Lorénian ?

Né le 13 janvier 1908 à Istanbul (Turquie), il arrive à Marseille en décembre 1922 avec ses parents, ses deux frères Vahé et Onnig et ses deux sœurs Régine, Serpouhie, et Eugénie Chakée. La famille s’installe provisoirement à Paris d’abord et à Sevran ensuite. Sa famille quittera plus tard la région parisienne et s’installera à Draguignan. En 1930 il se marie et s’établira comme crémier-fromager à Villejuif. Il fera son service militaire au 401e DCA et sera rappelé en septembre 1939. Le 3 octobre 1940 il est démobilisé. Le 30 janvier 1981, il reçoit la Médaille de la Ville de Paris (échelon vermeil) décerné par Jacques Chirac puis, le 31décembre 1982, la Médaille Commémorative France de la guerre 1939-45 (barrette France). Proposé pour l’ordre de la Légion d’honneur des années après, pour  » ses paroles de persuasion, son à-propos et sa témérité. Enfourchant une motocyclette et précédant crânement la colonne commandée par le capitaine Dronne, il guida ce dernier de la Porte d’Italie à la Place de l’Hôtel de Ville, en contournant les chicanes et les résistances allemandes. Ainsi grâce à cet acte de courage, toutes pertes d’hommes et de matériels ont été évitées.  » L’agent occasionnel qu’il fut, rejoignait les centaines de résistants d’origine arménienne qui avaient rejoint les Forces Françaises Libres. Comme Kirkor Pirlian qui se trouvait au même moment lors de cette première incursion de la libération de Paris aux côtés du capitaine Dronne.

Concernant l’entrée des éclaireurs de la 2ème DB, il me semble que c’était le Capitaine Dronne avec entre autre une compagnie d’espagnols républicains et seulement 3 shermans. Par contre, je crois qu’ils sont arrivés « sans trop de difficultés » jusqu’à l’Hôtel de ville (grâce aux guides volontaires, un certain Georges Chevallier pour la banlieue et Lorenian Dikran qui va précéder avec sa motocyclette!!! jusqu’à l’hôtel de ville). On est le 24 août, il est 21h22).
source : la 2eme DB Erwan Bergot.