Les arméniens combattants volontaires de 1914-1918

L’inauguration du monument des Volontaires Arméniens morts pour la France,
devant l’église arménienne de Paris, 15, rue Jean Goujon Paris,
par le Général Lagrue, commandant militaire de la Seine.

INTRODUCTION

Ce document est essentiellement constitué d’extraits :

de discours de personnalités politiques ou d’officiers français,
de journaux d’époque et de leurs photos.
Ainsi, par ce survol de l’Histoire récente, l’Institut Arménien de France et les Anciens Combattants Arméniens se sont attachés à révéler et à mieux faire connaître ces événements.

Nous saluons le travail du Lieutenant-colonel L’HOPITALIER dont le livre  » Historique des Anciens Combattants Volontaires Arméniens  » a été une de nos sources.

Nous lui laissons volontiers la présentation.

 » L’ Arménie est une contrée de l’ Asie Occidentale, au sud du Caucase et aux sources de l’Euphrate et du Tigre, qui forma un royaume indépendant jusqu’en 1375. Elle fut ensuite la proie des Mongols, des Turcs, des Persans, puis fut au XIXe siècle partagée entre la Russie et la Turquie dont la population arménienne a été à peu près éliminée. La partie russe constitue une des républiques fédérées de l’U.R.S.S. : 30.000 km2 et 3.500.000 habitants, dont la capitale est Erevan.

On donne le nom de Petite Arménie au royaume fondé à l’époque des Croisades par les Arméniens émigrés en Cilicie et qui a subsisté du Xle au XIVe siècle, recouvrant momentanément son indépendance de 1919 à fin 1920.

Comme on le voit le territoire de ce pays fut continuellement disputé, envahi, partagé.

Ils sont à l’heure actuelle 150.000 en France (N.D.L.R. : De nos jours, plus de 400.000 personnes).

En dépit des persécutions séculaires, il parvient non seulement à survivre mais à sauvegarder sa foi, sa culture, son idiome, ses moeurs, la fierté de son attachement à son passé et il est animé d’un patriotisme ardent.

Cette foi en leur pays et au nôtre est aussi fonction des amitiés franco-arméniennes. Une ancienne parenté attache l’ Arménie à la France; leur dernier roi, Léon V de Lusignan, d’origine française, mort à Paris en 1393, ne repose-t-il pas dans la célèbre Basilique de Saint-Denis ?

Les paysans arméniens, les moins instruits, savent très bien que la dépouille de leur gloire passée est confiée à l’affection de la France. C’est pour cette raison que Paris, coeur de la France et du monde, est resté le lieu de pèlerinage et le foyer d’espérance de tous les Arméniens.

En échange de l’hospitalité, les Arméniens ont versé pour la France le meilleur de leur sang, après lui avoir fait abandon de leur coeur.

C’est pour exalter cette ferveur dans la reconnaissance qui, hélas, tend à disparaître que, malgré les difficultés, il était du devoir d’un Français de rendre hommage aux Morts, de mettre en valeur les Pages de Gloire des soldats Arméniens, afin que mieux connues elles soient transmises à la postérité comme le flambeau impérissable de la valeur des Combattants Arméniens, qui est venu ajouter sa glorieuse lumière au phare éblouissant de la civilisation et de la Liberté. .

Lieutenant-colonel L ‘HOPITALlER

LES VOLONTAIRES ARMÉNIENS DANS LA LÉGION ÉTRANGÈRE

Au lendemain de la proclamation de l’état de guerre entre la France et l’ Allemagne, c’est-à-dire dés le 2 Août 1914, les Arméniens habitant en France décidèrent d’adresser un pressant appel à leurs compatriotes du monde entier, leur demandant de se rallier sans réticence ni retard à la cause des Alliés.
Lancé par Aram Turabian, leur délégué, il fut publié immédiatement par la presse d’Europe, d’Amérique voire même d’Asie, partout où l’on savait trouver une colonie arménienne.
C’est donc un effectif relativement important de soldats que les Arméniens ont offert à la France pour combattre à ses côtés dans un idéal de justice, de droit et d’humanité, selon les termes mêmes de leur proclamation.

Lieutenant-colonel L ‘HOPITALlER

Le 21 Août 1914 – De nombreux Arméniens de Paris ont défilé spontanément aux Champs-Élysées, avant de se rendre aux bureaux de recrutement des Invalides.
(Excelsior. 22 Août 1914)

Il ne s’agit plus seulement de compassion et de pitié pour des victimes innocentes.
L’Arménie, qui lutte elle aussi pour l’humanité et la liberté, en apportant un concours précieux à nos alliés du Caucase; l’ Arménie, qui n’a été que trop sacrifiée, mérite qu’on fasse état de la justice de sa cause. Elle ne sera point oubliée au jour des règlements des comptes.
(Le Temps 4 Août 1915)

Les Arméniens sont les victimes volontaires de leur sympathie envers les Alliés et, proportionnellement à leur nombre, sont les plus éprouvés de la présente guerre. Dès la première heure, ils ont attaché leur sort à celui des Alliés et, dans la mesure de leurs moyens, ont donné tout ce qu’ils pouvaient mettre au service de la grande cause et cela sans aucun marchandage; en mettant leur confiance dans la justice des Alliés, ils sont persuadés qu’au moment du règlement des comptes ils seront récompensés selon leur sacrifice.
(Le Soleil du Midi. 9 Février 1916)

FRONT FRANÇAIS

Les Arméniens, qui à la suite de l’appel patriotique de Turabian ont signé un engagement pour la durée de la guerre, ont été d’autorité versés dans la Légion Étrangère, la loi n’admettant pas d’étrangers dans les unités françaises combattantes.
Ils deviendront les héroïques et légendaires Légionnaires de la Grande Guerre et contribueront à ajouter un fleuron de plus à la couronne de gloire de la Légion.
Le 9 Mai 1915, le 2me Régiment de Marche, auquel était affectée la plus grande partie des Volontaires Arméniens, est engagé en Artois. Il fallait conquérir les Ouvrages Blancs et la côte 140. Malgré l’artillerie ennemie qui crachait le fer et le feu, la fureur des mitrailleuses et les pertes subies, une heure et demie après l’heure. H . l’objectif était atteint.
Mais les effectifs avaient fondu dans l’effrayante fournaise d’ Artois et de Champagne. .

UN RÉGIMENT D’ÉLITE

Le 11 Novembre 1915, le 2me Régiment fusionne avec le 1er et prend le nom de Régiment de Marche de la Légion Étrangère qui hérite de la réputation acquise par ses devanciers.
A peine créé, il est considéré comme l’une des unités de choc par excellence que le Haut commandement conserve et entretient en vue des grandes offensives prochaines. .

LA SOMME – BELLOY -EN-SANTERRE

Fin Juin il est relevé pour être dirigé sur Villiers-Bretonneux et participe aux affaires de la Somme, destinées à dégager Verdun qui subit, depuis le 21 Février, les assauts répétés des meilleures troupes allemandes. L’attaque se déclenche aux premiers jours de Juin.
Les premières lignes allemandes sont enfoncées, mais l’ennemi réagit par tous ses moyens; ses premières réserves disponibles aménagent en hâte le village de Belloy-en-Santerre qu’il faudra enlever de haute lutte, L’honneur en revient au Régiment de Marche de la Légion Étrangère.

La Légion, dont le drapeau est orné de 9 palmes et de la Légion d’honneur n’avait connu que des victoires :

  • ARTOIS JUIN 1915
  • CHAMPAGNE SEPTEMBRE 1915
  • BELLOY-en-SANTERRE JUILLET 1916
  • AUBERIVE AVRIL 1917
  • VERDUN AOÛT 1917
  • FLIREY JANVIER 1918
  • BOIS DE HANGARD AVRIL 1918
  • MONTAGNE DE PARIS MAI 1918
  • BOMMlERS-CHAUDUN JUILLET 1918
  • PLATEAUX DE LAFFAUX SEPTEMBRE 1918
  • LE CHEMIN DES DAMES

QUELQUES-UNS DES COMBATTANTS VOLONTAIRES ARMÉNIENS MORTS POUR LA FRANCE 1914-1918

ACHDJIAN N.ECHGUILIAN S.KOSIANSARKISSIAN M..
ADJEMIAN StéphanEKNAYAN A.KOUBASERIAN DikranSARAFIAN B.
ADJEMIAN KarnigGHAZERIAN K.KRIKORIAN H.SERAIDARIAN Hagop
AGUINIAN N.GUIDERIAN DikranKUPELIAN TakvorSEMERDJIAN Karnig
ALBERIAN T.GUEDIKIAN D.KUPELIAN A.SERMAKECHIAN K.
AL TOUNIAN KrikorGULESSERIANMANOUKIAN BaghdassarSIMONIAN Noubar
ANNIANATZ AchotGULBENKIAN NapoléonMAMATZIANSIMONIAN S.K.
ARTINIAN M.GULBENKIAN GarabedMAZMANIAN KarrékineSOUREN
ASLANIANGUMUCHDJIAN VahramMELI SARKISSIANTZ ArsèneTACHDJIAN Dikran
ARABIAN KarékineGUREGHIAN StéphanMELIKIAN S.TASDJIAN V.
BACHBAZIRGUIAN 0. BadiliaHADJIMENGUENEDJIANTCHIKEMIAN Samuel
BADILIANTZ G.HABECHIANMESSDJIAN ArménakTCHILINGIZIAN Krikor
BADILIANTZ MardirosHAGOPMINASSIANTZ M.TCHOBANIAN
BAGDASSARIAN B.HADJIAN KrikorMISSAK JeanTCHOBANIAN M.
BALIBERGUIAN 0.HAROUTIOUNIAN M.MISSAKIAN M.TEKATLIAN Hovannès
BOSMADJIANHEMAYAKNAZARETIAN H.TERTZAKIAN H.
CARAYAN BaretteKALAYDJIAN A.OSKIAN S.TIMAKSIAN
CHALDJIAN TélémaqueKALOUSTIAN L.PANOSSIAN A.TOKATLIAN H.
DAVIDIAN GarabedKARAYAN T.PAPAZIAN S.VOSKIAN S.
DERMARDIROSSIAN GarabedKASANDJIAN GarabedPEMBEDJIAN H.YAKOUBIAN Léon
DERNIGUOGHOSSIANKAPRIELIAN ArmenakREIZIAN M.YEGAVIAN Missak
DERMELIKIANTZKHATCHIKIAN A.TCHIKIANAZARIFIAN Hagop
DEUVLLETIAN M.KHATCHIKIAN FernandezSAHATDJIAN Jean 
DJENDEREDJIAN AntuanKHOYAN KIRAZIAN H. SAHATDJIAN H. 

FRONT D’ORIENT

1915 – 1920

LE RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION D’ORIENT

Le Régiment de Marche de la Légion d’Orient est presque ignoré… C’est pourtant lui qui remporta la victoire décisive de l’ ARARA (Syrie), et c’est lui qui sut planter sur ce sommet réputé imprenable, grâce à l’héroïsme de ses soldats, le glorieux Drapeau Français. Après cette bataille mémorable, c’est encore lui qui se distinguera partout où il passera jusqu’en 1920, et qui sera l’objet de plusieurs ordres du jour, consacrant définitivement sa valeur de régiment d’élite.
Le premier contingent d’hommes, qui servit de pépinière à sa formation, fut constitué en 1915 par les rescapés du DJEBEL-MOUSSA qui, environ 6.000,
résistèrent pendant plus de deux mois à l’envahisseur turc, autorisé à piller et à massacrer .
Ce fut une lutte acharnée, épique, où ces rudes montagnards, dépourvus de moyens de défense efficace, opposèrent leur poitrine à la mitraille avant d’abandonner leur foyer et descendre dans la plaine.
Ils furent sauvés par deux croiseurs de la flotte française, le .- Guichen R et le .- Desaix R qui en recueillirent 4.000 et les transportèrent à Port-Saïd. Cette poignée de braves, désireux de payer leur tribut de reconnaissance à la France qui les avait sauvés, demandèrent de retourner au combat sous le Drapeau Français et formèrent ainsi le premier noyau de la future Légion d’Orient.
C’est vers la fin de 1915 que M. Denis Cochin, Ministre d’Etat et illustre arménophile, lit agréer par le Gouvernement Français la formation par le Lieutenant-Colonel ROMIEU de la Légion d’Orient, officiellement créée en Egypte le 15 Novembre 1916.

Bientôt le recrutement s’étendit à tous les Arméniens du monde. .

Le débarquement des engagés volontaires arméniens d’Amérique à Port-Saïd, au nombre de 2.000, précédés des drapeaux français, arméniens et américains.

Ils ont cru et ils sont venus parce qu’ils ont cru, croyaient-ils, alors que le drapeau aux trois couleurs devait devenir le linceul de leur revendication humaine! .
(Extrait du discours de M. Emile Pignot)

Par le Capitaine Azan, Commandant d’un Bataillon :
Légionnaires du Bataillon, vous avez parachevé le beau sacrifice que vous avez fait de vous engager volontairement à la Légion en trouvant la plus belle mort dans les rangs des défenseurs du Droit et de l’Humanité. .

VICTOIRE DES ARMÉNIENS SUR L’ARARA (SYRIE) EN 1918 CONTRE LES TROUPES GERMANO-TURQUES

La Légion d’Orient ou Légion Arménienne a eu une importante participation dans la grande attaque qui a eu lieu, le 19 Septembre 1918, sur le Front de Palestine. A ce sujet, je m’en sens fier. .
Der Balout (Palestine), le 20 Septembre 1918
Général Britannique Allenby, Commandant en Chef

« Au nom de tous les chefs, gradés et soldats du sous-secteur de droite, je salue nos Morts Arméniens de combat d’hier.
Dormez dans votre gloire; vous avez ouvert la route à la justice et au droit, chassés de ces régions depuis des siècles. Nous saurons être dignes de vous – pour que cette réparation soit complète et durable.
J’en fait le serment sur votre tombe, devant ce cimetière dont nous ferons un monument de gloire et que nous appellerons le Cimetière de l’ Arara, pour réunir dans ce nom le souvenir de nos morts.
Discours prononcé lors des Funérailles des Arméniens tombés au Champ d’Honneur
par le Colonel Romieu, commandant le Régiment de Marche, le 20 Septembre 1918

 » En l’espace de six mois, de Mersine à Adana, toute la Cilicie fut occupée, pacifiée, réorganisée par les Troupes Arméniennes, à l’exclusion jusqu’au 28 Mars 1919 de toute autre armée.
C’est alors que la Légion d’Orient prit le 1er Février 1919 le nom de Légion Arménienne, sous le commandement du Colonel FLYE STE-MARIE, puis le 8 Avril 1920 du Commandant BEAUJARD. .
Lieutenant-Colonel L ‘Hopitalier

« Je garderai l’impérissable souvenir de votre bravoure et de votre ardeur. « La France généreuse se souviendra fièrement qu’Elle eut 11lonneur de confier à des Fils d’Arménie un lot de baïonnettes qu’ils maniérant d’enthousiasme:’ . Puisse le sang versé, puisse 11léroïsme commun ne pas rester stérile. .
Le Commandant en Chef des Troupes d’Occupation de Levant Djihan le 19 Août 1920, Général Gouraud

« La vaillante Légion Arménienne a, de 1916 à 1920, noblement écrit sur les pages d’une époque douloureuse et farouche les hauts faits d’armes que lui méritaient ses vertus et qui lui valent notre file et vive admiration.
Oui, certes, ils sont dignes de notre affection ces combattants qui ont du moins sauvé et préservé l’Honneur, ce gage certain, cet impérissable ferment des victoires futures.
En 1920 l’épopée devait s’achever dans un crépuscule.
Je la ressentis vivement cette amertume lorsque je dus procéder à la dissolution de ce corps.
A nouveau dispersés, ces enfants d’une Patrie opprimée en permanence devaient reprendre soit la route de l’exil, soit le chemin du martyre. .
Lieutenant-Colonel Beaujard, Commandant de la Légion Arménienne

Le retrait des troupes françaises de Cilicie laissa les populations sans défense et se traduisit par le massacre de 18.000 Arméniens à Marache et de 15.000 à Hadjin. La Légion Arménienne dissoute, les survivants arméniens prirent effectivement le chemin de l’exil…