Hommage par Yad Vashem

En l’Honneur des Arméniens Justes parmi les Nations

Jeudi 5 Juillet 2012 au Mémorial de la Shoah à Paris, des Arméniens ont été distingués Justes parmi les Nations par l’Institut Yad Vashem (חסידי אומות העולם).

A l’initiative de l’Aumônerie Israélite des Armées et de l’Association Nationale des Anciens Combattants Arméniens (ANACRA), une cérémonie solennelle conjointe a été organisée.Cet événement a bénéficié du concours de l’Ambassade d’Arménie à Paris et de la présence de Jean-Raphaël Hirsch, président du Comité français pour Yad Vashem.

Lors de cette cérémonie, Alfred-François Beurkdjian était à l’honneur. En effet, si ses parents Yervante et Elbis Beurkdjian (photo) ont reçu le titre et la médaille des Justes par l’Institut Yad Vashem, A.F Beurkdjian n’a pas bénéficié de cette distinction en raison de son statut de mineur à l’époque des faits. Juste de fait, il est mentionné dans le Livre des Justes de France: âgé seulement de 10 ans à l’époque des faits, obéissant à ses parents, pendant que ceuxs-ci organisaient le déménagement de la famille Goldhamer chez eux à Colombes, le jeune Alfred-François faisait le guet pour prévenir de l’arrivée des nazis.

L’AIA a tenu à honorer ce Juste de fait en lui remettant officiellement la médaille de l’Aumônerie israélite des armées, avec ses remerciements et sa bénédiction pour lui et ses parents.

Pour mémoire, c’est le 18 Octobre 1982, fondée sur le témoignage d’Hélène Goldhamer que la Commission pour la désignation des Justes a décerné le titre de Juste à Yervante et Elbis Beurkdjian.

Outre la famille Beurkdjian, Monseigneur Norvan Zakarian, devant une assemblée recueillie debout, a énuméré les noms d’autres arméniens de la diaspora distingués “Justes parmi les Nations“ : Vincent & Ursule Dalian (Paris, France), Albert, Makrouhi & Berthe Hougassian (Lyon, France), Georges & André-Gustave Dilsizian (France), et Ashkhen & Parunak Agopyan (Odessa, Russie), Ara Jeretzian (Budapest, Hongrie), Arut and Natalya Zagoruyko-Kisheshyan et leur fille Almaza Kisheshyan (Kharkov, Ukraine), Vartan Mkrtchyan et sa mère Arkal Shakhbazian, Knarik, (Kharkov, Ukraine) Aram & Felicia Taschdjian (Vienne, Autriche), Grigori & Pran Tashchiyan, Asmik Mkhikyan-Tashchiyan, Tigran Tashchiyan (Simferopol, République autonome de Crimée de la Fédération de Russie). Les noms de tous ces “Justes“ sont inscrits sur le mur Yad Vashem à Jérusalem.

Discours d’Antoine Bagdikian, Président de l’ANACRA

Merci au Grand Rabbin Haïm Korsia, à Véronique Ghidalia et à l’équipe de l’Aumônerie Israëlite des Armées d’avoir apporté tout leur cœur pour réunir autant de personnalités dans ce haut lieu de la mémoire juive.

Nous mesurons l’insigne Honneur de nous retrouver tous ici, descendants et rescapés de deux nations martyres et du plus effroyable des crimes : le crime de génocide. Le premier perpétré en 1915 par les Jeunes Turcs a fait 1 500 000 victimes et a détruit pratiquement toutes les populations chrétiennes de l’empire ottoman. Le second a englouti 6 000 000 de Juifs dans des conditions innommables qui dépassent l’entendement humain.
 Et dans le chaos de la seconde guerre, quelques lueurs d’humanité et de courage : les Justes et c’est la raison d’être de ce soir, les Justes arméniens : 25 dont 10 en France avec le symbole arménien de la main tendue : M. André François Beurkdjian.

Je dois vous dire qu’après l’annonce de cette initiative, initiée par les Anciens Combattants et Résistants arméniens et l’Aumônerie israëlite des Armées, soutenue par l’ambassade d’Arménie et rejoint avec bonheur par l’ambassade d’Israël, de nombreuses voix se sont élevées pour nous signaler d’autres Arméniens qui ont apporté leur assistance à des Juifs en danger. Je reprendrais simplement l’exemple de notre président d’honneur, officier de la Légion d’Honneur,et dernier survivant du Groupe Manouchian, M. Arsène Tchakarian, ici présent. Avec la complicité de quelques policiers du cmmissariat de Montrouge, il a réussi à faire effacer la mention « Juif » sur les papiers de 3 descendants de M. Lévy Medi Mercados, Juifs de Turquie, exilés en France. Cela les a sauvé des rafles et bien sur du pire. Certains sont encore vivants.

Si la cérémonie de ce soir permettait d’assurer un prolongement en réveillant d’autres pans de l’Histoire , alors le succès serait encore plus grand. Mais déjà ce soir, c’est une pierre de plus, dans ce que nous avions appelé, avec Haïm, l’an dernier, lors de la notre cérémonie à la synagogue des Armées, la construction d’un nouveau dialogue judéo-arménien.

Toutefois, il y a eu d’augustes prédécesseurs à cette construction.
 Henry Morgenthau, ambassadeur des Etats Unis en Turquie en 1915, de confession juive, qui racheta la survie d’Arméniens au bourreau Talaat Pacha qui lui répondait cyniquement : « pourquoi dépenser tout cet argent, de toute façon, nous allons tuer tous les Arméniens ! » Morgenthau a un mausolée en Arménie

Franz Werfel, écrivain juif autrichien, avec son livre prémonitoire de la montée du nazisme » Les 40 jours de Moussa Dagh » qualifié par Elie Wiesel de chef d’œuvre. Et Messieurs Israël Charny et Yaïr Auron de Jérusalem qui mènent le combat pour la reconnaissance du génocide, et plus proche de nous, Bernard Henri Lévy et M. Serge Klarsfeld, ici présent, qui sont montés au créneau pour défendre la loi de pénalisation des génocides et qui poursuivent avec nous, courageusement la lutte contre le négationnisme.

Je voudrais terminer cette trop courte énumération, car il y a tant d’autres exemples, en citant également Mélinée Manouchian, veuve de Missak Manouchian , héros de l’Affiche rouge fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien avec ses 22 compagnons dont 10 étaient de confession juive. Quand je lui demandais les raisons profondes de son engagement, car enfin les Arméniens n’étaient pas poursuivis. De plus elle venait de se marier et n’a même pas eu le temps d’avoir un enfant !

Elle m’a répondu : « Missak et moi étions tous deux orphelins du génocide, mais nous ne pouvions pas rester ainsi, à voir des famille juives arrachées de leur maison, comme nous à l’époque, et déportées pour être tuées, comme nous ». Elle voyait la même main allemande qui a armé le bras turc en 1915 et qui s’abattait maintenant sur les Juifs.

On ne peut ici que magnifier ces témoignages en regardant encore M. Beurkdjian : Des juifs qui sauvent des Arméniens … des Arméniens qui sauvent des Juifs..

Le plus grand enseignement que l’on tirer de ces braves, le symbole pour l’avenir, et en fait ce qu’il doit rester de cette soirée, au-delà de l’Hommage légitime rendu aux Justes, c’est que nous devons être dignes de leur exemple et de leur courage. Nous devons continuer ensemble ce combat contre l’inhumanité de l’Homme.

Plus jamais, les 2 nations martyres les plus meurtries du Monde doivent ignorer la douleur et la persécution de l’autre .

Chaque Arménien devrait se sentir concerné quand un Juif est atteint, comme encore ce matin, par la haine, le racisme et l’antisémitisme.

Aucun Juif ne devrait supporter la négation du génocide des Arméniens, ou cautionner le négationnisme, encore moins être complice du blocage de la loi sur les Génocides.

Si cette communion de combat avait existé, nul doute que les immenses dégâts que nous avons subi, tous deux, n’auraient pas été les mêmes.

Je terminerai avec deux phrases :

Elie Wiesel : «tolérer le négationnisme, c’est tuer une seconde fois les victimes»

Bernard Henri Lévy : «A ceux qui seraient tentés de jouer au jeu de la guerre des mémoires, je veux répondre en plaidant pour la solidarité des Génocidés».

Paris, Mémorial de la Shoah 5 juillet 2012
Antoine Bagdikian

C’est Véronique Dubois Ghidalia, Aumônier israélite des armées, qui a remis la médaille à Alfred-François Beurkdjian.

Pour clore l’hommage rendu à la mémoire des Justes, Mourad Amirkhanian interpréta le Der Voromia et Philippe Darmon, le Chant de la paix (Sim Chalom), entrecoupées par la Prière pour la république française dite par l’Aumônier Joël Jonas et le Kaddish, par l’Aumônier David Elfassi.

Étaient présents à la cérémonie, le Grand Rabbin Haïm Korsia, Aumônier général israélite des armées ; Antoine Bagdikian, Président de l’ANACRA ; Jean-Raphaël Hirsh, Président du Comité français pour Yad Vashem ; Monseigneur Norvan Zakarian, Primat du Diocèse de l’Église apostolique arménienne de France ; Jean-Pierre Allali, membre du Comité exécutif du CRIF ; Alexis Govcyan, Président du Conseil de Coordination des Organisations Arméniennes de France ; Roger Fichtenberg, vice-président de l’AJPN ((Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie), et Président de l’Union des Associations d’Anciens Combattants et Victimes de Guerre du 11e arrondissement, ainsi que le représentant de l’ambassade d’Israël en France, M. Elad Ratsan ; l’ambassadeurs d’Arménie, Viguen Tchitetchian ; l’adjoint au Maire de Paris Pierre Shapira ; des représentants de la Fondation pour la Mémoire de la Shoa ; les représentants des autorités militaires ; Arsène Tchakarian, compagnon de Missak Manouchian et les historiens Yves Ternon et Dickran Kouymjian.

La cérémonie s’est achevée aux accents de la Marseillaise.

Voir le diaporama de photos : Thomas Wallut (chrétiens orientaux)

Reportage : Jean Eckian – Dossier complet : photos et vidéos
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=80839