Cérémonie du 26 février 2015

Le Grand Rabbin de France Haïm Korsia rend hommage aux fusillés de l’Affiche rouge

Textes et images Jean Eckian

jeudi 26 février, à l’initiative de l’Aumônerie Israélite des Armées (AIA) et de l’Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants Arméniens (ANACRA), une cérémonie a été organisée à la salle Nourham Fringhian de la Cathédrale arménienne de la rue Jean Goujon à Paris à l’occasion du 71e anniversaire de l’exécution du Groupe Manouchian (21 février 1944).

Mgr Norvan Zakarian et le Grand Rabbin Haïm Korsia

Cette troisième cérémonie conjointe entre Juifs et Arméniens s’est déroulée, pour la première fois, depuis son élection (22 juin 2014), sous les auspices du Grand Rabbin de France Haïm Korsia, en présence de l’ambassadeur d’Arménie en France Viguen Tchitetchian, du représentant de l’ambassade d’Israël en France Elat Ratson et de Pierre Andrieu, ambassadeur, Co-président français du groupe de Minsk. Autres personnalités voir plus bas *

Après un accueil particulièrement chaleureux destiné à Arsène Tchakarian, 98 ans, survivant des compagnons de Missak Manouchian, le président de l’ANACRA, Antoine Bagdikian placera la commémoration sous le double symbole de l’hommage aux héros de l’Affiche rouge et celui du centenaire du génocide des Arméniens.

Dans son intervention, il louera la rencontre avec Haïm Korsia qui a permis d’organiser cet hommage annuel conjoint au groupe Manouchian ; rappelant qu’en 1915, c’est « un grand juif », Henry Morgenthau, ambassadeur des États Unis, qui « a racheté la survie de villages entiers arméniens en les payant de sa poche. » Ce après quoi Talaat pacha lui fera la remarque suivante : « Mais pourquoi dépensez-vous tout cet argent. De toute façon nous allons tuer tous les Arméniens. » (Mémoires d’Henry Morgenthau, Erevan). Il évoque ensuite les destins tragiques de Missak Manouchian et de son camarade Joseph Epstein, avant de laisser la parole au grand Rabbin de France qui annonce un « rapprochement des mémoires » juives et arméniennes auprès de toutes les communautés juives d’Europe. « Ne jamais les opposer, mais les conjuguer », dira-t-il.

Mettant l’accent sur la transmission de la mémoire, Haïm Korsia, rendant hommage au combat du député Jean-Marc Germain pour la panthéonisation du groupe Manouchian, a émis le voeu qu’une plaque soit installée au Panthéon pour « les hommes glorieux qui méritent de la nation […], qui sont morts pour nous permettre de vivre ». A ce propos, il en appellera aux élus présents, toutes tendances confondues, de relayer la proposition auprès de leurs groupes respectifs dans un vaste mouvement populaire.

Mémoire partagée

Pour le grand Rabbin, citant Eli Wiesel : « vivre un événement et ne pas le transmettre, c’est le trahir ». L’enjeu majeur de la transmission naît du partage de la mémoire. « Entendre les témoins, c’est devenir nous-mêmes des témoins », avait également dit le Prix Nobel de la paix (1986). Il rappellera enfin le nom de celui, qui, outre Jean-Jaurès, avait pris fait et cause pour les Arméniens en condamnant les massacres de 1894-96, le journaliste politique Bernard Lazare (1865-1903).

Haïm Korsia a ensuite passé le relais à son successeur de l’aumônerie israélite, le rabbin Benjamin Jonas. Ce dernier notera la coïncidence de la date de cette cérémonie dédiée aux sacrifiés de l’Affiche rouge et le 7 Adar correspondant au calendrier hébraïque, jour de la disparition de Moïse. Un jour qui selon la tradition judaïque représente la mort mais en même temps celui de la naissance. « Il n’y a jamais de mort tant qu’on continue à porter l’idée, le rêve de celui qui nous a quitté », dira-t-il, se félicitant de l’union des deux communautés.

Puis ce fut au tour du magnifique Arsène Tchakarian, 98 ans, qui remerciera l’assemblée de se souvenir et d’honorer ses camarades, lui qui avait juré que jusqu’à sa mort il parlerait de ses compagnons, italiens, espagnols et juifs, tout en ajoutant, avec l’humour qu’on lui connaît, que la mort le concernant « ça va être pour bientôt » (protestation du public). Il explique comment Marcel Rajman lui a appris à se battre dans Paris, lui qui venait du Front. Que chacun d’entre-eux ne connaissait pas leurs identités exactes puisqu’ils n’avaient que des pseudonymes. Une mosaïque de nationalités. Dans le Paris occupé les résistants de l’Affiche rouge ont réalisé 57 attentats, tuant plusieurs généraux et colonels nazis. C’est après leur exécution qu’un camion benne déversera les corps dans une fosse commune du cimetière d’Ivry… Et qu’Arsène promit, ce jour là, qu’ils ne seraient jamais oubliés.

Après une minute de silence dédiée à toutes les victimes des génocides, attentats et atrocités d’hier et d’aujourd’hui, en France, au Haut-Karabagh comme au moyen-Orient, Garbis Nigoghossian et Moshé Taïeb ont énuméré les noms des 23 fusillés du 21 février 1944 au Mont Valérien. S’ensuivirent le Der Vorghomia, chants et prières arméniennes et juives à Manouchian. L’Affiche rouge et le Chant des marais (chant des déportés) seront interprétés par Lucienne Deschamps, tandis que pour clore la cérémonie l’assemblée entamera la Marseillaise.

  • Andrej Byrt, ambassadeur de Pologne en France ; Lévon Sayan, ambassadeur auprès de l’UNESCO, ; Hervé Marseile, sénateur-maire de Meudon ; Léon Hovnanian, maire adjoint, Jean-Marc Germain, député des Hauts-de-Seine ; Catherine Vieu-Charier, maire adjointe à la Mairie de Paris, Jean-Yves Camus, Chargé de mission auprès du maire de Paris, Alexis Govciyan, maire adjoint du 9ème arrondissement de Paris et Président de la Mission 2015. Représentation des villes d’Arnouville, Issy-les-Moulineaux, Asnières, Clamart, Le Plessis-Robinson, Sevran et de la mairie du 16ème arrdt de Paris. Evagoras Mavrommatis, Président des Chypriotes de France, Philippe-Roux de Lusignan, Armen Pétrossian, Cercle Bernard Lazare, Office National des Anciens Combattants (ONAC), UGAB, Mémorial de la Shoah, Rabbina européen, Rabbin Moshé Léwin…

Cérémonie co-organisée par Véronique Dubois (Aumônerie des Armées) et Daniel Artinian avec les bénévoles de l’ANACRA.