Les héros de l’Affiche rouge

Ils étaient 23 … Des hommes jeunes, plus une femme : 23 martyrs

Ils étaient italiens, juifs de Hongrie ou de Pologne, arméniens, espagnols. Membres de la MOI (Main d’œuvre immigrée), organisation créée par le parti communiste, ils avaient combattu contre l’envahisseur nazi. Issus de la classe ouvrière, ils étaient la France qui refuse l’oppression, la France de la fraternité entre les peuples, quand des grands chefs d’entreprise se vautraient dans la collaboration et que le gouvernement de Vichy envoyait la police française contre tous ceux qui résistaient. Ils furent arrêtés, après des mois de traque, à l’automne 1943.

Adolescent, Julien Lauprêtre, futur président du Secours populaire français, partagea, quelques heures durant, la captivité de certains d’entre eux, dans les locaux de la police. Marqué par cette rencontre, il y puisera ses motivations pour les luttes futures contre l’oppression, les inégalités.

L’un de ces hommes était Missak Manouchian, commissaire militaire pour la région parisienne de l’organisation. Son portrait figure, à côté de celui de neuf de ses camarades, sur les affiches que les nazis et leurs complices français placarderont. L’Affiche rouge peuplée de «terroristes étrangers » était censée flétrir la Résistance. Il n’en fut rien comme en témoignent les furtives inscriptions : « morts pour la France », barrant l’infâme propagande.

Ils furent fusillés ; le 21 février 1944, au mont Valérien – Olga Bancic sera décapitée le 10 mai à Stuttgart. Les bourreaux avaient choisi, pour effrayer le passant, des noms qui «à prononcer» sont « difficiles », comme l’écrivit Aragon dans le poème dédié aux 23 héros. En vain. Leur souvenir demeure vif dans la mémoire populaire.

Rappelons-les : Celestino Alfonso, Olga Bancic, Joseph Boczov, Georges Cloa-rec, Rivo Della Negra, Thomas Elek, Maurice Fingercwajg, Spartaco Fontano, Emeric Glasz, Jonas Geduldig, Léon Gold-berg, Szlama Grzywacz, Stanislas Kubacki, Cesare Luccarini, Missak Manouchian, Marcel Rayman, Roger Rouxel, Antonio Salvadori, Willy Schapiro, Armenak Tavitian, Amedeo Usseglio, Wolf Wajsbrot, Robert Witchitz.

Après leur exécution, les 23 Résistants de l’AFFICHE ROUGE furent chargés sur un camion-benne et jetés dans une fosse commune du cimetière d’IVRY…

Aragon écrira un poème en leur honneur :

Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n ‘éblouit pas les yeux des Partisans.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants.

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos
MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents.

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.