La France honore les sauveteurs des Arméniens du Moussa Dagh

Une cérémonie organisée par l’Anacra et Abris’s club à Toulon

Ce fut une réussite. La cérémonie d’hommage aux sauveteurs de la marine militaire française qui au péril de leur vie ont porté secours aux Arméniens du Moussa Dagh menacés d’extermination en 1915 a réuni de nombreuses personnalités au premier rang desquels figuraient Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Viguen Tchitetchian, ambassadeur d’Arménie en France et Monseigneur Zakarian, prima du Diocèse arménien de France. Cette manifestation, organisée par l’Anacra (association nationale des anciens combattants et résistants arméniens) et l’Abris’s-Club (l’Association Franco-Arménienne de l’Aire Toulonnaise)a en outre rassemblé de nombreuses personnes qui malgré les difficultés de transport en cette période de grèves ont tenu à faire le déplacement. Nous publions ci-dessous le compte rendu qu’a fait de cette cérémonie le site du secrétariat d’Etat aux anciens combattants ainsi que le discours de M.Falco.

« Ils sont l’honneur de notre marine nationale. Il y a 95 ans, ces amiraux et ces marins ont accomplis l’une des premières missions humanitaires de l’histoire ».

Par ces mots M. Hubert Falco, secrétaire d’état à la défense et aux anciens combattants, a souhaité honorer la mémoire des amiraux et marins qui ont permis en 1915 de sauver 4100 arméniens en face de la Syrie. Ce vendredi 15 octobre, la communauté arménienne s’était réunie sur le parvis de la préfecture maritime de Toulon pour se souvenir des marins du croiseur Guichen . Ce navire qui faisait partie de la 3ème escadre française commandée par les amiraux Dartige du Fournet et Darrieus, aperçoit en septembre 1915 des signaux sur le mont Moïse en Syrie. Des villageois arméniens se sont réfugiés sur cette montagne pour échapper à la déportation. Le contre-amiral Darrieus obtient l’autorisation de porter secours à ces réfugiés. Les opérations d’embarquement au moyen de canots et de radeaux amenés jusqu’à la plage dureront 2 jours. Elles sont menées sous les ordres du contre-amiral Darrieus et organisés par les équipages des navires Guichen , Desaix , Amiral Charner et la Foudre . Outre le souvenir de ces marins-sauveteurs, la cérémonie a permis à la communauté arménienne de remettre une plaque commémorative à la marine nationale.

Discours d’Antoine Bagdikian Président de l’ANACRA

Monsieur le Ministre, Monsieur le Maire,
Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur le Préfet Maritime,
Monsieur le Sous-Préfet,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les enfants et petits enfants, survivants du Moussa Dagh

Quelques mots sur le contexte historique pour souligner l’importance de la cérémonie de ce jour.

1452 : Les Ottomans font tomber la Constantinople chrétienne. Puis des siècles d’Empire Ottoman où les chrétiens ne sont que des demi-sujets : les enfants mâles sont enlevés pour constituer des corps de Janissaires, les filles pour compléter les harems !
1894 : La première hystérie nationaliste s’empare du sultan Abdul Hamid : Samsoun, Erzeroum, Trébizonde : en 2 ans , 300.000 morts !
1909 : Le gouvernement « Jeunes Turcs » ayant renversé lé sultan et après quelques illusions de réformes, implorées par l’Europe, s’engouffre dans la même haine destructrice : 30 000 morts à Adana.
Déjà le Contre-Amiral Louis Pivet effectue le 1er sauvetage des Arméniens sur les cotes de Cilicie.

Avril 1915 : Dans la confusion de la 1ère guerre mondiale, un plan d’extermination des chrétiens est mis au point lors des Congrès des « Jeunes Turcs » à Salonique et à Paris. Dans la nuit du dimanche 24 avril, 600 Intellectuels d’Istanbul sont déportés, les soldats d’origine arménienne de l’Armée ottomane sont séparés et abattus par petits groupes.
Il ne reste plus que les femmes, les enfants et les vieillards, que l’on dépossède de leurs titres Il ne reste plus que les femmes, les enfants et les vieillards, que l’on dépossède de leurs titres de propriété et que l’on pousse dans des convois de la mort jusqu’aux déserts de Syrie.
Une marche de plus de mille km avec toutes les exactions et toutes les horreurs que l’on peut imaginer.

Mai 1915 : Un mois après le déclenchement du génocide, puisqu’il faut l’appeler par son nom, la France et l’Angleterre protestent officiellement auprès des « Jeunes Turcs » :Talaat , Ministre de l’Intérieur, Djemal, Ministre de la Marine et Enver , Ministre de la Guerre et leur écrivent que ces « massacres sont un crime contre l’Humanité et qu’il faudra bien en répondre » – le terme de génocide ne sera inventé qu’en 1948 par Raphaël Lemkin, en référence d’ailleurs au génocide des Arméniens.
Les intellectuels et les politiciens français s’insurgent : Clémenceau, Anatole France, Jean Jaurès et son cri :  » l’Humanité ne peut pas vivre avec le cadavre du peule arménien assassiné dans sa cave  » ! Rien n’y fait, la vague de la mort s’étalera bien d’Istanbul jusqu’en Syrie !

Septembre 1915 : Six villages arméniens se regroupent sur une colline dans le Golfe d’Alexandrette, aux abords de la Syrie, le Moussa Dagh, Mont Moïse, et refuse la déportation. Ils se réfugient avec nourriture, bétail et un armement désuet, 120 fusils, 300 très vieux fusils et quelques pistolets. Nous sommes en automne, il pleut, il faut protéger la poudre. Les Turcs ont des canons et la première vague de 300 soldats est repoussée. Puis les Turcs sont 3000. La résistance arménienne tient toujours. Les Turcs sont 15 000 et la situation tourne au cauchemar. Les Villageois survivent en tuant le bétail, le lait est réservé aux enfants et aux malades.
Deux immenses drapeaux sont dressés sur la colline. Sur l’un, en grosses lettres » Chrétiens en détresse. Au secours ». L’autre drapeau a une grande croix rouge sur fond blanc.
53 Jours de siège. Le désespoir. Puis l’espoir : un bateau apparait »le Guichen », commandé par le Contre-amiral Gabriel Darrieus. C’est la 3ème escadre de combat française de la Méditerranée chargée de surveiller les cotes syriennes. L’armée navale est sous les ordres du Vice-amiral Louis Dartige du Fournet. La flotte approche des côtes. On ne peut pas accoster à cause des rochers et de la houle. Un nageur apporte un message : les villageois demandent des vivres et des armes pour rester et défendre leurs terres. On ne peut pas leur fournir des armes. La seule solution pour les sauver est de les évacuer. D’autres bateaux arrivent : « La Jeanne d’Arc » « le Destrée » « le Desaix » « le Charner ». Les ordres n’arrivent toujours pas des autorités supérieures. Les Turcs menacent, la marine les bombarde pour les tenir à distance. L’Amiral Dartige du Fournet prend alors l’initiative de l’évacuation. Des radeaux sont construits, toutes les barques sont mises à l’eau. Il faut des heures pour s’approcher des plages. Les marins français sont dignes de tous les éloges.

Je voudrais lire une note que l’on vient de me transmettre concernant le sauvetage : « C’était le 12 septembre, la Fête de la Vierge, et pour ces marins bretons, un appel sacré au sauvetage d’autres chrétiens. Henri Argouarc’h choisit 3 compatriotes solides, puis lançant un radeau, tenta de gagner le rivage doublement redoutable en raison de la mer démontée de ce jour là et des rocs en pics qui en rendent l’accostage périlleux en tous temps. Argouarc’h approcha du mieux qu’il put de la côte, mouilla l’ancre de son radeau et malgré les balles des Turcs que ce manège exaspérait, mais que les canons du croiseur tenait quelque peu en respect, il commença le sauvetage. A chaque voyage, le radeau transportait vers le croiseur une trentaine d’Arméniens. Mais la mer se mettait de la partie, balayait le radeau et enlevait à chaque fois quelques Arméniens ; alors Argouarc’h plongeait, repêchait les naufragés, les ramenait sur le radeau et se préparait à retourner sauver les autres. Argouarc’h ne semblait plus avoir qu’une fonction : plonger pour arracher à la mer ces femmes, ces enfants, ces vieillards qu’il venait d’arracher aux Turcs. Et pour aussi extraordinaire que cela puisse paraître, ce sauvetage dura 16 heures durant lesquelles Argouarc’h sauva à lui seul près de 50 personnes ».

Ainsi, 4 100 Arméniens seront embarqués sans un seul blessé. 4 100 personnes qui, grâce aussi à des navires anglais, échapperont à une mort certaine, et seront débarqués à Port-Saïd en Egypte.
Dans cette hécatombe et ce désastre humain que fut le génocide des Arméniens, la Marine française, ses officiers et ses marins auront été une des rares bouées de survie !
Mais les hommes valides sont éperdus de reconnaissance envers la France en guerre et ne s’arrêteront pas là. Il faut aider la France. Un appel mondial est lancé par Aram Tourabian et des centaines d’Arméniens affluent de toutes parts : 400 personnes de la seule Argentine, mais aussi des Etats-Unis, d’Angleterre, …
La Légion d’Orient, créée en 1916, rassemblent ces Arméniens de tous les continents. Sous les ordres du général Gouraud, ils brisent le front germano-turc à la bataille de l’Arara en Syrie, puis ils remontent la Palestine, pacifient la Cilicie en 1919 avant, hélas, l’abandon des troupes françaises en 1920 qui laissa les Arméniens sans défense.
Là ; il nous a manqué un Dartige du Fournet, car il n’y aurait pas eu 15 000 morts à Hadjin et 18 000 morts à Marache et à Aïntab !
Quand les Turcs ont brulé et jeté à l’eau, à Smyrne, Arméniens et Grecs, il nous a aussi manqué un « ange sauveur » comme Dartige du Fournet !
A la fin des hostilités, avaient disparu les 2/3 de la population arménienne soit 1 500 000 personnes, mais aussi la quasi-totalité des 400 000 Assyro-Chaldéens chrétiens, et 350 000 Grecs Pontiques. Les autres 900 000 ont du leur survie à l’échange des populations entre la Grèce et la Turquie !

Avec cette immense épuration ethnique, la Turquie se débarrassait de 30% de sa population chrétienne, dont il ne reste plus que …0,1% de nos jours.

Mesdames et Messieurs, nous sommes rassemblés si nombreux ce jour, pour rendre ce premier hommage d’envergure à ces Amiraux, à ces Commandants de vaisseaux et à tous ces marins. Ils ont été l’Honneur de la Marine. Ils ont été l’Honneur de la France. Ils l’ont illuminé par leur initiative et leur courage. Au-delà même de ce sauvetage, c’est grâce à l’immense écho de ce sauvetage du Moussa Dagh que les Arméniens ont de génération en génération voué une reconnaissance éternelle à la France et s’engageront pour elle sur tous les fronts. Bien sur, en Orient, mais aussi sur le sol national, à Verdun, au Chemin des Dames, en Picardie, où une tranchée s’appelle « la Tranchée des Arméniens, car ils tombaient en masse . Et dans la Résistance avec Missak Manouchian.
Et ce Régiment spontanément créé sous les ordres du Capitaine Pétrossian, composé d’Arméniens soviétiques qui, d’après les mots d’ordre écrits en arménien et en russe par Missak et Mélinée Manouchian, libéra les villes de Arles, Nîmes, Mende, la Calmette … »

Ces marins ont scellé à jamais le sort des Arméniens aux cotés de la France et maintenant les citoyens français que nous sommes, et fiers de l’être, sommes heureux que notre pays, la France, ait voté une Loi sur la Reconnaissance du Génocide des Arméniens en 1915.

Nous espérons que les Sénateurs, certains sont présents ici, auront bientôt à cœur de nous protéger du négationnisme qui s’intensifie. Une indignité du gouvernement turc actuel, heureusement combattue par de nouvelles forces progressistes et des écrivains turcs courageux qu’il faut absolument soutenir. Mais quand Orhan Pamuk , écrivain turc et Prix Nobel s’écrie : » je suis le seul à pour dire que l’on a tué un million d’Arméniens » , il doit fuir son pays à cause des menaces de mort et se refugier aux Etats-Unis !!

Nous offrons ce jour une plaque en souvenir de ces évènements et espérons que nous pourrons bientôt, planté quelque part à Toulon, un monument à la gloire de ces Amiraux , héros de la Première Ingérence Humanitaire de cette importance.
Nous leur dirons en conclusion :

Amiral Louis Pivet
Amiral Louis Dartige du Fournet
Amiral Gabriel Darrieus
Chers Commandants de vaisseaux et chers marins,
Vous avez, en septembre 1915, infiniment contrarié les plans d’extermination de Talaat, Ministre de l’intérieur, quand il disait « Sans écouter les sentiments de votre conscience, il faut mettre fin à l’existence des Arméniens. Tuez les tous car sinon il faudra craindre leur vengeance «
Mesdames et Messieurs, nous sommes encore bien vivants et nous sommes des milliers à devoir la vie à ces marins. Nous ne réclamons pas vengeance, mais la Vérité et la Justice.

Merci

Antoine Bagdikian
15 octobre 2010

Discours de SEM. Viguen Tchitetchian, Ambassadeur d’Arménie en France

Monsieur le secrétaire d’Etat aux anciens combattants et Maire de Toulon,
Monsieur le Préfet Maritime,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président de l’Association des Anciens combattants et Résistants arméniens,
Mesdames et Messieurs les Présidents et membres des associations arméniennes de France,
Mesdames et Messieurs, Chers amis,

C’est un honneur pour moi d’être avec vous ce matin à l’occasion de cette cérémonie d’hommage national consacrée au 95ème anniversaire du sauvetage des arméniens du Moussa Dagh.

J’exprime ma reconnaissance à Monsieur Hervé Morin, Ministre de la Défense de la République française pour avoir accordé son Haut Patronage à cette commémoration. Je remercie Monsieur Hubert Falco, Secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, d’être à nos cotés pour représenter l’Etat français. Je félicite enfin Monsieur Antoine Baghdikian, Président de l’Association des Anciens combattants et Résistants arméniens et tous les membres de cette Association d’avoir initié et organisé, avec le soutien valeureux du Ministre de la défense, cette cérémonie d’hommage.

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui nos cœurs sont de nouveau pleins d’émotions et de sentiments de gratitude. Une gratitude à l’égard des amiraux et commandants français qui ont sauvé plus de 4000 vies humaines, les arméniens de Moussa Dagh, avant même que des ordres du gouvernement français leur parviennent.

Pourquoi ont-ils pris la responsabilité d’une telle décision?

Cette réflexion me conduit vers la France de la fin du XIXème siècle, lorsque des parlementaires, universitaires, intellectuels et artistes français unissaient leurs efforts pour dénoncer les atrocités des ottomanes menaçant d’anéantir tout un peuple de ses terres natales, le peuple arménien. Un mouvement arménophile se constituait autour des personnalités comme Anatole France, Jean Jaurès, Georges Clemenceau, Victor Bérard, Albert de Mun, Deny Cochin, le Père Charmetant, parce que « l’Europe civilisée, comme le disait Anatole France, ne comprenait pas les raisons du malheur des arméniens, le sens de son extermination échappait à l’Europe ». Les arménophiles français avaient compris que la lutte inégale de l’oppresseur contre les Arméniens était une lutte de la barbarie contre l’esprit de justice et de liberté. Peu de personnes en Europe comprenait à l’époque que le peuple arménien qui mourait en Turquie avait les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, la même croyance qu’eux et qu’il était choisi d’être exterminé justement pour cela. Toute l’histoire du peuple arménien, chers amis, est constituée de luttes continues pour conserver son héritage intellectuel et moral, ses valeurs et sa foi. Le combat des fils du peuple arménien engagés dans la Résistance, était au nom de ces mêmes valeurs universelles, le combat du peuple arménien dans le Haut-Karabagh est aujourd’hui au nom de ces mêmes valeurs de la liberté et de la sûreté, contre l’oppression et la destruction planifiée.

Anatole France disait de nous, les arméniens: « Un peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas ». Non seulement le peuple arménien n’est pas mort, il a trouvé la force de se redresser le dos et de continuer son chemin. Il l’a pu faire grâce à la force de son âme et l’existence de grands humanistes tels que les amiraux de la marine française.

Pour moi, aujourd’hui c’est un grand honneur de dévoiler la plaque du souvenir disant: « Honneur et gloire aux Amiraux de la Marine française Louis Dartige du Fournet, Gabriel Darrieus et aux autres Commandants des vaisseaux qui évacuèrent 4100 arméniens réfugiés sur le Moussa Dagh en 1915 ».

Mesdames et Messieurs,

Grâce à Franz Werfel, l’histoire de la résistance héroïque des moussalertzis est aujourd’hui connue et immortalisée. Le célèbre roman de Werfel « Les 40 jours du Moussa Dagh », paru au début des années trente du siècle dernier, au moment où les nazis venaient au pouvoir, était un avertissement. Le message était visionnaire. Il disait: cette horreur va se reproduire en Europe, parce que l’idéologie de la domination et de l’oppression, le racisme et la xénophobie risquent d’engendrer des crimes contre l’humanité telle que le génocide arménien.

Chers amis,
Nous sommes au XXIème siècle, l’Humanité a fait un long chemin depuis le Génocide des Arméniens. La compréhension, le respect de l’autre et la solidarité humaine sont devenus des mots d’ordre pour l’Humanité progressiste. Ce sont les seuls remparts contre la barbarie qui, à chaque instant, si nous n’y prenons pas garde, peut menacer à nouveau de submerger le monde. N’était-ce pas un dirigeant d’un pays voisin qui nous menaçait, il n’y a pas longtemps, d’expulser les Arméniens de son pays en riposte aux pressions internationales pour la reconnaissance du Génocide arménien.

Mais, encore une fois – Honneur et gloire aux Amiraux et Commandants de la Marine française – et restons solidaire dans notre combat pour la justice.

Vive la France!
Vive l’Arménie!
Vive l’amitié franco-arménienne!
Toulon le 15 Octobre 2010

Discours d’Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux anciens combattants

Monsieur l’Ambassadeur d’Arménie en France,
Monseigneur le Primat du diocèse arménien de France,
Messieurs les Officiers généraux, Mesdames, Messieurs,
Les liens qui unissent l’Arménie à la France sont des liens anciens.
Ce sont des liens que bien peu de nations et de peuples éprouvent entre eux dans le monde.
Ce sont les liens de la fraternité et du cœur.
Longtemps, les vents de l’histoire, des vents de douleur et de peine, ont poussé jusqu’en France des générations successives d’Arméniens.
Ils s’y sont établis. Ils y ont travaillé, souvent durement. Ils ont élevé leurs enfants. Ils se sont intégrés à la société française. Ils lui ont apporté le meilleur d’eux-mêmes. Ils sont allés jusqu’à verser leur sang pour une patrie qui désormais était la leur.
Que serait la France sans les Français d’Arménie ? Elle ne serait pas tout à fait elle-même. Quelque chose manquerait à son âme.
Il lui manquerait des mots, il lui manquerait des musiques et des chants.
Il lui manquerait le génie d’un Charles Aznavour, qui a épousé la langue française pour la magnifier pleinement.
Il lui manquerait tous ces Arméniens de talent qui ont tant donné à notre pays.
Et si les Français d’origine arménienne ont toujours aimé la France d’un amour sincère, jamais ils n’ont oublié l’Arménie.
Ils lui ont gardé la fidélité d’un enfant à sa mère, transmettant à leur tour une langue, une culture, une mémoire à nulle autre pareille.
Oui, l’histoire qui lie l’Arménie à la France est une histoire faite de peines et de douleurs, mais c’est une histoire que la volonté et la patience des hommes ont transformé en belle et grande histoire.
Aujourd’hui, nous nous souvenons de l’une des grandes pages de cette histoire commune et nous rendons hommage, Français et Arméniens, aux amiraux Dartige du Fournet et Darrieus.
Il y a 95 ans la Marine française porta secours des Arméniens assiégés de Moussa Dagh. Relisons l’appel que trois nageurs arméniens furent chargés de transmettre aux navires qui, éventuellement, viendraient à passer au large : « Transportez-nous, nous vous en prions, à Chypre ou ailleurs. Notre peuple n’est pas paresseux ; il gagnera son pain, si on lui donne du travail. Si c’est trop demander, transportez au moins nos femmes, les vieillards, et les enfants ; fournissez-nous des armes, des munitions, de la nourriture, et nous vous aiderons de toutes nos forces contre les troupes turques. Nous vous en supplions, n’attendez pas que ce soit trop tard… »
C’est un appel désespéré, c’est un cri de détresse, ce sont des mots qui nous bouleversent encore.
Le hasard a voulu que ce soient des marins français qui tendent alors une main secourable aux Arméniens de Moussa Dagh.
Plus de quatre mille d’entre eux furent sauvés d’un massacre certain.
Si les commandants de notre flotte répondirent, il y a 95 ans, à la détresse des femmes et des hommes de Moussa Dagh, ils le firent au nom des valeurs qui animent l’armée française.
Ce sont les valeurs de la République. Ce sont les valeurs de la France, héritée d’une longue histoire qui plonge ses racines dans l’antique chevalerie et se poursuit encore jusqu’à nous.
C’est la fraternité humaine qui nous lie les uns aux autres dans une indéfectible chaîne, que rien ne peut briser, ni les frontières ni les différences.
C’est le respect que l’on doit à la vie de tout homme.
C’est le sentiment de justice qui réclame à chaque soldat français de défendre le faible contre le fort.
C’est ce que firent, justement, les marins français, il y a 95 ans, à Moussa Dagh. Ils sont l’honneur de notre Marine nationale, ils sont l’honneur de l’Armée française, ils sont l’honneur de la France tout entière.
Il y a 95 ans, les amiraux Dartige du Fournet et Darrieus ne se sont pas simplement comportés d’une manière chevaleresque.
Ils ont accompli l’une des premières missions humanitaires de l’histoire.
À une époque où l’on ne parlait pas encore de cela, ils ont considéré que leur devoir de Marin consistait à utiliser leurs navires et leurs armes pour faire cesser le feu : ils furent alors l’une des premières forces d’interposition de l’histoire.
Ils considérèrent qu’ils ne mériteraient plus leur titre ni leur grade s’ils ne venaient pas en aide à ces femmes et à ces hommes.
Il y a 95 ans, les amiraux Dartige du Fournet et Darrieus préfiguraient, à eux seuls, ce que notre Marine et notre Armée seraient appelés à devenir à l’avenir.
Aujourd’hui, partout dans le monde, là où la présence de la France est requise, notre armée se déploie pour garantir la paix et sauver des vies.
Nos marins et nos soldats le font avec courage, avec générosité, avec cœur. Ils sont les dignes héritiers des amiraux Dartige du Fournet et Darrieus. Ils sont les dignes héritiers des marins qui sauvèrent, il y a 95 ans, 4 000 femmes et hommes en Arménie.
C’est à eux, aux soldats et aux marins français qui aujourd’hui servent nos couleurs en défendant sous mandat international la paix dans le monde, que je voudrais penser. Ils risquent tout. Ils endurent tout.
Mais sans eux, la France ne serait pas elle-même.
La France ne serait pas grande, belle, généreuse.
Honneur à notre Marine nationale !
Honneur à notre Armée !
Vive la République et vive la France !

Plaque commémorative offerte à la marine nationale par l’Association des Anciens Combattants Arméniens avec la participation de Abris’s Club

Cérémonie religieuse

Messe en rite catholique célébrée par le Père Casseron, et accompagnée par la magnifique chorale St-PIE X dirigée par Joseph Avédikian.

Le Père Raymond Boyer de Draguignan, arménophone de haut niveau avait tenu à être présent.

Un requiem en rite arménien a suivi, célébré par Mgr. Norvan Zakarian, accompagné par les chants émouvants interprétés avec émotion par Mmes Naïra et Vartouhie Abrahamian (soprano et mezzo-soprano). Elles étaient dirigées et accompagnées à l’orgue et au chant par Monsieur Khatchik Yilmazian, Chef des Choeurs Sahak-Mesrop de la Cathédrale Arménienne de Marseille.

L’église était comble, et l’émotion se voyait sur tous les visages.

Les porte-drapeaux français et arméniens se tenaient sur l’autel, et les membres des Chevaliers de l’Ordre Hospitalier de Saint-Lazare les accompagnaient.

Maryse Grigorian
Présidente de l’Abris’s club
Conseiller Municipal à Toulon